Georges Méliès, cinéaste magicien.
Ecrit parVenturelli Erick
Georges Méliès : le magicien du cinéma et des images.
Georges Méliès (1861-1938) demeure l’une des figures fondatrices du cinéma moderne, un pionnier dont la créativité a fait passer l’image animée du simple enregistrement technique à une véritable forme d’art. Avant d’être cinéaste, Méliès fut un illusionniste passionné par les spectacles visuels, la photographie et les effets de scène. Cette triple passion lui permit d’inventer un langage cinématographique qui liait étroitement l’image fixe, le mouvement et l’imaginaire.
Né à Paris dans une famille de fabricants de chaussures, Georges Méliès se détourne très tôt de la voie familiale pour s’adonner aux arts du spectacle. Fasciné par la prestidigitation, il rachète en 1888 le Théâtre Robert-Houdin, où il présente des numéros d’illusion et d’automates. C’est dans ce contexte qu’il découvre en 1895, lors d’une projection privée des frères Lumière, la nouvelle invention du cinématographe. Là où les Lumière voient un instrument scientifique et documentaire, Méliès perçoit un moyen de créer l’illusion et de raconter des histoires.
Ne pouvant acquérir le cinématographe des Lumière, il conçoit sa propre caméra et fonde le Studio Star-Film en 1896, dans sa propriété de Montreuil. Ce lieu, entièrement vitré pour profiter de la lumière naturelle, devient l’un des premiers studios de cinéma au monde. Méliès y tourne plus de 500 films entre 1896 et 1913. Son héritage se retrouve dans toute l’histoire du cinéma — des surréalistes à Fellini, de Kubrick à Tim Burton. Par son audace visuelle et son sens du merveilleux, Georges Méliès a montré que le cinéma pouvait être à la fois science, art et magie.
L’approche de Méliès : entre photographie, théâtre et magie.
L’art de Méliès repose sur une approche visuelle héritée de la photographie et du théâtre. Comme un photographe de plateau, il compose ses cadres avec soin, utilise les décors peints et la lumière pour créer la profondeur et la texture. Il s’intéresse aux effets spéciaux — surimpressions, fondus, arrêts de caméra, substitutions — qui lui permettent de manipuler la réalité à la manière d’un illusionniste. Là où la photographie fige le temps, Méliès lui insuffle le mouvement, ouvrant la voie à une narration visuelle entièrement nouvelle.
Son cinéma reste profondément marqué par le langage photographique : composition frontale, usage du tableau vivant, sens aigu du détail et du contraste. Chaque plan est pensé comme une image fixe animée par le trucage. On y retrouve la rigueur du photographe et l’imagination du magicien.
L’évolution artistique : de la fantasmagorie au récit cinématographique.
Dans ses premières œuvres, Méliès explore surtout les possibilités techniques du nouveau médium. Très vite, il dépasse le simple tour de magie filmé pour inventer la mise en scène cinématographique. Avec Le Voyage dans la Lune (1902), il crée la première fiction de science-fiction et l’un des récits les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Inspiré de Jules Verne et de H.G. Wells, ce film symbolise la conquête de l’imaginaire grâce à la caméra.
Ses autres œuvres — Le Royaume des fées, L’Homme à la tête de caoutchouc, Le Voyage à travers l’impossible — témoignent de la même inventivité visuelle. Méliès construit des univers entiers, fait apparaître et disparaître des personnages, crée des transformations fantastiques. En cela, il invente le montage comme instrument poétique, avant même qu’il ne soit codifié par les cinéastes américains ou soviétiques.
Malgré son génie, Méliès subit la concurrence des grands studios émergents, notamment Pathé et Gaumont. Ruiné par la guerre et l’évolution du cinéma vers un style plus réaliste, il cesse de tourner en 1913 et tombe dans l’oubli. Ce n’est qu’à la fin des années 1920 qu’il est redécouvert comme le “père du cinéma fantastique”.
Sa place dans l’histoire de la photographie et du cinéma.
Méliès occupe une position charnière entre la photographie du XIXᵉ siècle et le cinéma du XXᵉ. Là où la photographie avait permis de reproduire fidèlement la réalité, lui en propose une transformation poétique. Il fait du cinéma non pas un miroir du monde, mais un outil d’imagination. En reliant la précision photographique à la fluidité du mouvement, il établit le principe fondamental de la mise en scène cinématographique : créer une illusion crédible au service d’un récit.
Le spectacle qui s’est tenu dans les Carrières de Lumières, aux Baux-de-Provence, dans un cadre minéral est véritablement impressionnant. Le lieu est particulièrement adapté à l’immersion : les hautes parois de pierre, les piliers naturels, l’espace vaste accueillent des projections monumentales. Ce court-métrage immersif se déploie sur les vastes surfaces de la carrière : murs, sol, piliers. Il utilise des extraits de films, des photographies d’époque, des portraits, des images de tournage, pour entrer dans l’univers de Méliès.
Le spectacle célèbre Méliès comme pionnier du cinéma fantastique, maître des effets visuels, de l’illusion. Il souligne son héritage visuel, sa capacité à faire rêver : la lune, le monde sous-marin, les voyages extraordinaires. Il valorise le lien entre photographie (ses photographies d’époque) et cinéma : images fixes, mouvement, mise en scène. Il montre le cinéma comme spectacle total — et le lieu des Carrières, par sa monumentalité, renforce cette dimension dramatique.
Les Baux de Provence (France) – avril 2017.