Montagne de Lure

Lure, sur le toit du monde.

La Montagne de Lure : symbole géologique, littéraire et culturel de la Provence.

Pour moi, la Montagne de Lure, située dans les Alpes-de-Haute-Provence, est bien plus qu’un simple massif montagneux. Plus discrète que son voisin, le Luberon ou encore le Ventoux, elle constitue un point de convergence entre la nature, la littérature, la photographie et le patrimoine provençal resté presque intact. Dominant la région par sa présence imposante, elle est non seulement une merveille géographique et géologique, mais aussi un lieu chargé d’histoires humaines, artistiques, religieuses.

Une géographie fascinante.

La Montagne de Lure s’étire sur environ 42 kilomètres, entre les vallées de la Durance au sud et du Jabron au nord. Elle appartient au massif des Préalpes de Digne et culmine à 1 826 mètres d’altitude au Signal de Lure. Ce sommet offre une vue panoramique exceptionnelle, où se mêlent les paysages des Alpes et ceux de la Provence.
La diversité climatique et écologique de la Montagne de Lure est remarquable. Le versant sud baigne sous un climat méditerranéen, accueillant une végétation typique de garrigue : lavandes sauvages, chênes verts et thym. Le versant nord, plus frais et humide, est couvert de forêts de hêtres, de sapins et de pins noirs. Ces contrastes offrent un habitat idéal pour une biodiversité variée, abritant notamment des cerfs, des aigles royaux et des chevreuils. Petit, j’y ai parcouru presque tous les chemins, sur les traces de Jean Giono en espérant trouver une inspiration pour la photographie.

Une géologie singulière et une source d’inspiration pour les écrivains.

La Montagne de Lure témoigne d’une histoire géologique fascinante, vieille de millions d’années. Constituée principalement de calcaires et de marnes datant du Jurassique et du Crétacé, elle fait partie d’un système karstique qui a façonné des paysages impressionnants comme le Canyon des Gorges d’Oppedette qui n’a rien à envier au Grand Canyon du Verdon. Les eaux de pluie, s’infiltrant dans la roche, ont creusé des grottes, des sources souterraines et des gouffres. Les éboulis de pierres, les falaises abruptes et les plateaux herbeux sont autant de vestiges de ces transformations. Cette richesse géologique a également influencé les activités humaines. L’élevage, l’exploitation forestière et la culture de la lavande sur les plateaux calcaires témoignent d’une adaptation ancestrale au relief et au climat.
La Montagne de Lure n’a pas seulement marqué les géographes et les naturalistes, elle a également laissé une empreinte indélébile sur la littérature française, notamment à travers des auteurs comme Jean Giono et Pierre Magnan. La caractéristique principale de la Haute Provence, c’est surtout la sécheresse intense et un sol caillouteux qui interdisait jusqu’à ce que le canal de Provence soit construit pour l’irrigation, presque toutes les cultures sauf la lavande et le blé. Ce climat aride, chaud est bien appréhendé dans les films de Pagnol comme Manon des Sources et parfaitement décrit dans les œuvres de Jean Giono et Pierre Magnan. C’est sans aucun doute cette rudesse du climat qui forgea les caractères forts qui ces deux écrivains décrivent avec tant de rudesse.
Jean Giono, enfant de Manosque, a trouvé dans la Montagne de Lure une source infinie d’inspiration. Ses œuvres, imprégnées d’un profond amour pour la nature et la vie rurale, transposent souvent l’âme de cette région dans ses récits. Le Contadour, petit hameau situé sur les pentes de Lure, est particulièrement associé à Giono. Dans les années 1930, il y organisait des rencontres philosophiques et littéraires, rassemblant amis et intellectuels pour discuter des liens entre l’homme et la nature. Ce lieu devint un sanctuaire pour ses réflexions pacifistes et humanistes.
Pierre Magnan, quant à lui, a exploré le quotidien des habitants de la région avec une écriture mêlant poésie et réalisme. Ses romans policiers évoquent souvent la rudesse et la beauté de la montagne de Lure, qui devient presque un personnage à part entière dans ses récits.

La Montagne de Lure comme source d’inspiration des photographes.

Outre les écrivains, la Montagne de Lure a également attiré des photographes renommés. Henri Cartier-Bresson, maître de la photographie humaniste, y a trouvé un terrain d’exploration idéal. Fasciné par la lumière et les paysages de Provence, il a capturé la vie quotidienne des villages et la splendeur naturelle des montagnes avec une sensibilité unique. Le village de Simiane la Rotonde l’a particulièrement inspiré et c’est en 1969 qu’il a pris ce cliché célèbre au travers duquel on peut constater qu’il n’y a pas eu beaucoup de changements si on le compare avec le lieu actuel. Henri Cartier Bresson a d’ailleurs souhaité se faire enterré dans le village de Montjustin.
Henri Cartier Bresson
Comme beaucoup de villages de cette région, Vachères, Oppedette, Banon, Le Rocher d’Ongles, Le Contadour, Dauphin, etc.….Simiane la Rotonde ont étés une source d’inspiration très forte pour mes débuts, mais aussi aujourd’hui. Je les visite inlassablement avec toujours la même impression que mes photos arriveront à témoigner de la rudesse et l’originalité de la Haute Provence.
Les villages qui parsèment la montagne de Lure incarnent l’âme provençale d’un temps révolu ou l’eau était un bien précieux et quand elle venait à manquer, des villages entiers étaient déplacés ou carrément abandonnés comme ce fut le cas du village perché de Montsalier. Ce village de 300 habitants au XVI e siècle comporte encore des traces d’habitations datant du XII e  et du XIII e avec des vestiges d’un des trois moulins. Ils étaient encore en activité vers les années 1860. Sous Napoléon, le village comptait 27 habitations, une quarantaine de bâtisses et treize bâtiments ruraux, avec sa place publique, une église romane, deux grandes rues parallèles et tout un réseau de petites ruelles transversales avec son cimetière bien sûr. Il fut abandonné au début du XX e siècle.

Lure, le toit du monde.

Presque au sommet de la Montagne de Lure, le village du Contadour occupe une place centrale dans l’histoire culturelle de la Montagne de Lure. Outre son lien avec Jean Giono, il a également servi de décor à Marcel Pagnol pour ses films.
Les paysages de Lure, avec leur authenticité brute, ont magnifié des chefs-d’œuvre comme La Femme du boulanger et en ont inspiré d’autres comme Cresus. D’ailleurs en grimpant sur le sommet de la montagne pour atteindre la ferme des Fraches, on pouvait voir jusqu’à une époque récente, cette voiture abandonnée peut être de l’époque du tournage des films de Pagnol.

Une Montagne aux multiples facettes.

La Montagne de Lure est bien plus qu’un massif montagneux : elle est un pont entre la nature et la culture, elle est un lieu de contemplation et de création artistique. Sa géographie impressionnante, sa géologie riche et son héritage littéraire en font un symbole intemporel de la Provence. Les écrivains, les photographes et les cinéastes qui s’y sont aventurés ont su immortaliser son essence unique, tout en laissant leurs œuvres enrichir l’histoire de cette montagne exceptionnelle. On ne visite pas la Montagne de Lure, on n’y fait pas un petit tour à la va-vite pour les vacances. La Montagne de Lure est un univers où la beauté des paysages se mêle à l’intensité des récits humains, et où chaque village, chaque sentier, porte en lui une part de l’âme provençale et la dureté des âmes fortes qui y ont survécus. La Montagne de Lure se mérite, c’est le toit du monde comme le disait Jean Giono.
Manosque (France) – Decembre 2024

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